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Économies d’énergie, économies d’eau : un duo vertueux pour la performance industrielle

Alors que les défis énergétiques focalisent l’attention de l'industrie, l'eau devient une ressource stratégique à gérer avec précaution. Chaque goutte compte dans ce tandem : de la collecte de la ressource au rejet des eaux usées, l'utilisation rationnelle de l'eau et l'efficacité énergétique sont étroitement liées. Devant cette réalité, le décret récent sur l'utilisation des eaux dans l'industrie alimentaire invite à une réflexion approfondie et à des actions concrètes.

Nous avons rencontré Olivier Barrault, Président de l'ATEE Région Grand Ouest et PDG d'Elodys International, une entreprise spécialisée dans l'accompagnement des industriels pour les économies d'eau et l'optimisation des processus de lavage industriel (NEP). Nous avons abordé la question suivante : pourquoi est-il devenu essentiel d'intégrer ces deux enjeux environnementaux pour une performance industrielle durable ?

Photo d'Olivier Barrault

En quoi les problématiques de l’énergie et de l’eau sont-elles liées dans l’industrie ?

Ces dernières années, une grande attention a été accordée aux défis énergétiques, qu'il s'agisse de réduire les émissions de carbone ou de gérer les coûts en constante augmentation. Pendant ce temps, les industriels ont négligé la question de l'eau, la considérant comme une ressource quasi gratuite et inépuisable. Cependant, le constat est clair et indéniable : bien que le prix de l'énergie puisse connaître des fluctuations importantes, celle-ci reste toujours disponible, tandis que si l'eau vient à manquer, l'activité même de l'usine est menacée.

Les pénuries d'eau peuvent entraîner des conséquences stratégiques majeures, dont les industriels commencent tout juste à prendre conscience, notamment depuis la sécheresse de 2022.

Dans le domaine industriel, la relation entre l'énergie et l'eau est à la fois profonde et complexe, tout au long du cycle de l'eau dans une usine. Dès l'étape de l'exploitation du forage, la question de la valorisation énergétique de l’eau peut se poser, en raison de son potentiel géothermique, que ce soit pour produire de la chaleur ou du refroidissement.

Vient ensuite le sujet du traitement de l'eau. En effet, la diversité des besoins industriels en termes de qualité d'eau (adoucie, déminéralisée, …) souligne l'importance d'une gestion appropriée du conditionnement de cette eau brute, car chaque type d'eau a un coût énergétique. Il faut ainsi déterminer la bonne qualité d’eau en fonction de son usage. Prenons l'exemple du lavage : certaines qualités d'eau rendent les lavages moins efficaces, ce qui peut entraîner une surconsommation et une moindre maîtrise de la qualité. De plus, il ne faut pas oublier que non seulement le traitement de l'eau est énergivore, mais une mauvaise gestion de sa qualité peut également affecter le rendement énergétique des utilités telles que les chaudières, les tours aéroréfrigérantes et les condenseurs évaporatifs.

L'eau joue un rôle crucial en tant que vecteur énergétique dans les processus industriels, en favorisant le transfert de chaleur, de froid et même d'énergie mécanique. Sa capacité à transférer l'énergie d'un point de production ou d’extraction de calories vers un autre est incontournable. La gestion hydraulique de cette distribution est un enjeu majeur en termes d'économie d'énergie (notamment pour le pompage), ainsi que de qualité et de productivité pour les usages finaux (débit, pression, contamination).

Enfin, la gestion des rejets d'eaux usées doit être considérée comme enjeu énergétique à part entière et non comme une fatalité. Il est important de garder à l'esprit que la consommation énergétique du traitement biologique d'une station d'épuration dépend étroitement de la charge organique et du volume d'eau rejeté.

En résumé, chaque étape du cycle de l'eau dans un processus industriel, de l'extraction à l'évacuation des eaux usées, est étroitement liée à l'efficacité énergétique.

Afin d'utiliser efficacement ces ressources vitales et éviter tout dysfonctionnement, il est nécessaire d'effectuer une analyse minutieuse et holistique pour maîtriser les enjeux, les interactions et les solutions efficaces sur le plan financier et environnemental.

Que dit le Décret n° 2024-33 du 24 janvier 2024 relatif aux eaux réutilisées dans les entreprises du secteur alimentaire et que doivent faire les industriels ?

La législation évolue et s'adapte pour faire face à cet enjeu crucial de la ressource en eau, qui est directement lié aux changements climatiques en cours.

Ce décret a pour objectif de corriger les décisions passées concernant l'utilisation de l'eau, dans un contexte où cette ressource était considérée comme presque inépuisable, notamment dans l'industrie. Les réglementations sur la santé et la sécurité alimentaire obligent parfois les industriels à consommer trop d’eau, par principe de précaution excessif. Dans de nombreux cas, la réglementation ne considérait que l'utilisation d'eau dite « potable », sans prendre en compte son niveau de qualité réellement nécessaire.

Pendant des décennies, on a ainsi jeté des eaux de process parfaitement réutilisables, qu'elles soient traitées ou non. Ce décret permet maintenant une amélioration de la réutilisation de l'eau pour les entreprises agroalimentaires.

De plus en plus d'industriels sont soumis à la pression de la DREAL en raison des arrêtés sécheresse. Pas de solution idéale sans se poser les bonnes questions. Ainsi, la première étape nécessaire est de réaliser un audit complet de leurs besoins en eau, en se basant sur une cartographie précise. Cela permet de comprendre où, combien, comment et pourquoi une certaine quantité et qualité d'eau est consommée. Cet audit aboutit à un plan d'actions qualifiées, pouvant être hiérarchisées en fonction des enjeux, de la complexité et bien sûr du critère de rentabilité. Cette démarche confronte l'industriel à des réalités dont il n'a pas conscience, y compris en termes de performance industrielle. Dans le secteur de l'agroalimentaire, il est ainsi essentiel de nettoyer régulièrement les équipements de production pour garantir la qualité des produits. Cependant, ces nettoyages représentent souvent plus de la moitié de la consommation d'eau, une part importante de la consommation d'énergie, l'utilisation et le rejet de produits chimiques, ainsi qu'une perte de productivité due à l'immobilisation des procédés.

Se pose alors la question : comment puis-je réduire ma consommation sans perturber mon activité et en maîtrisant mes dépenses ?

Les 3R (Réduire, Réutiliser, Recycler) sont souvent évoqués. Réduire est la priorité : Il est préférable de limiter la consommation d'eau, car les processus de réutilisation ou de recyclage peuvent s'avérer coûteux en termes d'investissement, de coûts opérationnels et de ressources humaines pour le suivi, la maintenance et la gestion à long terme.

Du point de vue énergétique, un axe clé de réflexion est d’identifier les sources d’énergie fatale et les points de valorisation potentiels. Cela suppose au préalable de vérifier que ce besoin est bien compatible en température et débit, mais aussi correctement optimisé. Lorsqu'on effectue le bilan énergétique d'un site industriel, les nettoyages en place (NEP) sont souvent identifiés comme un besoin important à satisfaire. Cependant, on a tendance à considérer à tort que ce besoin est inévitable. Alors si l'on peut réduire ce besoin de 50 à 75% et à des niveaux de températures plus accessibles, pourquoi investir dans un système coûteux de valorisation d'énergie pour les NEP ? Il est donc important de prendre en compte l’option de la régénération et de la réutilisation des solutions lessivielles (« GreenCIP ») avant de se lancer dans un projet de récupération d'énergie fatale. À quoi bon récupérer des calories pour un besoin qui disparaîtra demain ?

Les enjeux réels se trouvent souvent au cœur de l'usine, avec des problématiques parfois plus complexes et globales que celles liées à l'énergie. Par exemple, dans le domaine de l'énergie, la méthode du pincement (Pinch) est souvent utilisée pour établir une correspondance entre les sources d'énergie fatales disponibles et les besoins énergétiques simultanés, sur un périmètre donné. Pour l'eau, la méthode est similaire, mais plus complexe, car il faut prendre en compte non seulement le débit, la température, le volume et la qualité physico-chimique, mais aussi la contamination potentielle de cette eau récupérée. Il est donc important de faire preuve de prudence et de méthode.

Comment améliorer la performance industrielle en prenant les enjeux environnementaux en compte ?

Pour améliorer la performance industrielle, une approche holistique s'impose. L'efficacité énergétique et la gestion optimale de l'eau sont des éléments à part entière de cette performance globale. Prenons un exemple concret : l’une des actions conduites sur les NEP vise à l’optimisation des temps de lavage, ce qui permet de libérer du temps de fabrication et donc de l’efficacité opérationnelle des lignes. Cela procure ainsi un impact positif sur de nombreux indicateurs de performance industrielle.

Il est donc tout à fait possible d'améliorer sa performance environnementale tout en optimisant sa performance industrielle, bien que ces notions soient souvent opposées à tort.

Par expérience, les approches axées sur l'énergie et l'eau mettent en évidence des zones de non-performance souvent ignorées. Les industriels ont tendance à adopter une vision verticale de la performance de leur site. En prenant en compte l'eau et l'énergie, ils peuvent également opter pour une approche transversale qui met en lumière les zones grises de non-maîtrise de la qualité et de la productivité. En utilisant les bons indicateurs de performance énergétique, il est possible de détecter, voire anticiper et résoudre ces problèmes.

Pour intégrer efficacement les enjeux d'eau, d'énergie et de carbone dans leur stratégie, les industriels doivent adopter une approche décloisonnée. La clé du succès réside dans la facilitation d'une collaboration étroite entre les parties prenantes de la Fabrication, de la Qualité, des Travaux Neufs, de la Maintenance et de l'Environnement. Le profil le plus apte à assurer cette collaboration transversale est souvent celui du responsable des Méthodes ou de la Performance Industrielle.

La formation des équipes est un élément central de cette transition. En développant les compétences internes pour une utilisation efficace de l'eau et de l'énergie, le site sera mieux organisé pour identifier et gérer de manière collaborative les projets à venir. On ne peut pas tout attendre de l'extérieur. Par exemple, il y a historiquement très peu de véritables thermiciens travaillant sur les utilités énergétiques, là où l’on croise plus couramment des profils tels que des mécaniciens, des électrotechniciens ou des automaticiens. Or cette compétence est essentielle. J'ai également remarqué ce problème dans le domaine des NEP, où certains fournisseurs de détergents peuvent « profiter » de la méconnaissance de leurs clients en matière de chimie des lavages. Les intérêts du vendeur de détergents ne sont pas toujours alignés avec ceux de l'industriel, et encore moins avec l'objectif de sobriété et de réduction de l'impact environnemental.

En outre, il est essentiel de mesurer et de suivre ses performances pour maintenir son engagement et progresser de façon constante. Il est difficile de maintenir le cap et d'atteindre ses objectifs à long terme sans indicateurs clairs et mesurables, car comme le veut l’adage : « on ne maîtrise bien ce que l’on mesure bien »

Les initiatives précédemment évoquées ont pour but d'améliorer l'existant, mais il est essentiel de se pencher sur les futurs investissements qui détermineront les consommations de demain. Ainsi, il faut donc que l'ingénierie de tout nouveau projet (Process et Utilités) prenne en compte la performance environnementale, notamment en termes d'eau, d'énergie, de gaz à effet de serre et de rejets. À défaut, le site risque de passer durablement à côté de réelles opportunités.

Il est également nécessaire d'intégrer au schéma directeur industriel du site un schéma directeur eau et énergie, ainsi qu'un plan de décarbonation à moyen terme. Pour réaliser une telle transformation, il faut du temps et des étapes régulières de prise de décision et de révision des objectifs.

Enfin, pour anticiper toutes les opportunités, les directions industrielles doivent rester attentives aux solutions émergentes sur le marché. C’est le cas d’une technologie de rupture tel que GreenCIP (réutilisation des lessives à l’infini), mais aussi de solutions innovantes telles que celui développé par une Startup américaine, AquaCycl. Leur technologie d’épuration des eaux usées industrielles permet de produire sa propre électricité à partir d’une famille spécifique de bactéries qui vont à la fois digérer la matière organique et générer un courant électrique. Cette autoproduction d’électricité permet ainsi de couvrir 30 à 40% de la consommation électrique d’une station d’épuration.

Quelles sont les perspectives de l’industrie vis-à-vis des enjeux de l’eau et de l’énergie ?

Les directeurs industriels font face à des défis majeurs en ce qui concerne l'énergie et l'eau. D'une part, les risques financiers liés à l'énergie deviennent de plus en plus préoccupants au fil des années. D'autre part, la question de l'eau est marquée par des risques de raréfaction, mettant en évidence la nécessité impérieuse d’une gestion efficace. Pour réussir cette approche, il est nécessaire d'avoir une stratégie axée sur la maîtrise, accompagnée de politiques publiques appropriées, telles que des subventions liées à des critères environnementaux.

Dans un contexte industriel de plus en plus compétitif, il est crucial d'adopter une approche holistique afin de bâtir une stratégie qui implique tous les enjeux et impacts potentiels. L'eau présente la particularité d'être une ressource finie sur un territoire donné. Sa disponibilité est sujette à des fluctuations imprévisibles liées aux changements climatiques en cours, et potentiellement à des arbitrages radicaux de la part de l’administration.

En outre, l'eau implique des interactions étroites avec d'autres acteurs tels que l'agriculture et les communautés locales, soulignant ainsi son caractère écosystémique plus marqué que celui de l'énergie. La gestion des rejets et le recyclage nécessitent une collaboration avec diverses parties prenantes et une régulation adaptée et efficace de la part des autorités.

Dans les sociétés très libérales comme aux USA, de nombreux industriels adoptent une logique de criquets migrateurs qui se déplace au fur et à mesure qu’ils épuisent ses ressources. On observe ainsi que les industriels de l’agroalimentaire se déplacent progressivement des États du Sud vers les États des Grands Lacs afin de trouver de nouvelles ressources en eau, sans pour autant remettre en question en profondeur leur mode de production.

L’abondance apparente n’est jamais bonne conseillère ni durable, il faut donc mettre à profit ces nouvelles contraintes pour en faire des opportunités et les facteurs clés de compétitivité de demain.

#Bonnes pratiques#Stratégie environnementale Lemon Energy 20/06/2024

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